« Putain de bordel ! ». Jurer, c’est mal, mais y a des situations dans la vie où on ne peut s’en empêcher. Par exemple, ce moment très précis est très adéquat aux gros mots en ébullition. Franchement, si j’avais su, j’aurais pas enfilé ma superbe nouvelle paire d’escarpins toute neuve et plus du tout aussi belle qu‘en magasin ! Je n’ai qu’une seule envie : celle de mourir le plus vite possible et pourtant, alors que je crois que tout est fini, la voix grave de José me rappelle à l’ordre. « Nous faut l’image de fin. », se contente-t-il de dire, me tirant un nouveau soupire. J’ai faim, j’suis fatiguée, j’en ai marre, j’ai faim, j’suis trempée, j’ai faim… J’vous ai dit que j’avais faim ? Oui ? Ben j’vous le redis quand même ! Et quand j’ai faim, j’suis pire qu’une gosse, j’peux faire de votre vie un enfer ! « Faudrait peut-être faire une retouche maquillage avant, non ? ». J’essaie de remettre mes cheveux en ordre, mais c’est pas facile étant donné qu’ils sont trempés. J’dois vraiment avoir l’air d’une baleine échouée sur la plage là ! « Pas le temps ! ». José et cette manière de faire des phrases les plus courtes possible, commencent à me taper sur le système… S’il faisait pas quarante kilos de plus que moi ben… ben ça aurait chier ! Et le pire, c’est que plus les années passent et plus il enlève des mots. Un jour il va se pointer muet comme une carpe ! Enfin bref, le barbu dresse sa camera qu’il pose sur son épaule. « Eeeeet… ça tourne ! », qu’il me lance et après avoir balancé un sourire crispé à la caméra, je brandis le micro devant mes lèvres. « ... C’était Juliett Monroe, pour Canonsburg tv ! ». Et voilà, c’est dans la boite. Je souffle un bon coup, heureuse que cette matinée désastreuse prenne enfin fin. J’me suis levée à quatre heures du matin pour ces conneries ! Mon patron me hait vraiment et c’est pas un euphémisme ! Il me déteste ce gros con et adore me refiler des reportages bidons à faire ! Cette fois-ci, j’me retrouve avec mon équipe dans la campagne profonde à faire un reportage sur le bien être des cochons… Qu’est-ce que j’en ai à foutre moi, de faire un reportage sur la manière dont l’éleveur masse ses porcs ? En plus ça pue, il pleut et j’ai les chaussures recouvertes de boue ! 

« José, appuie sur l’accélérateur bordel ! ». Nous voilà dans la camionnette et malheureusement, c’est le caméraman qui conduit. Il roule à deux à l’heure en temps normal, mais avec la pluie, c’est encore pire. Je finis par arriver, tant bien que mal, chez moi et décide de prendre l’ascenseur, trop exténuée pour monter les marches de l’escalier. Grosse flemmasse bonjour ! Bref, j’prends une bonne douche chaude, m’habille de vêtement secs et tente de me coiffer un peu mieux… mais j’crois que c’est peine perdue. Je reçois alors un message de Savee. « ça serait bien que tu manges avec Ezekiel aujourd’hui. ». Ouais… pas con, surtout que je n’ai rien à faire. Et puis j’ai faim. Oui, j’ai très très faim même et c’est toujours plus amusant de manger à deux que toute seule… Bon, avec Ezekiel c’est pas la fête du slip en ce moment, mais il est mon plus vieil ami et je suis bien décidée à lui redonner le sourire… même si pour ça, je dois le droguer… Non, j’déconne, la drogue c’est mal, ne fumez pas les enfants ou vous allez finir par crever dans d’atroces souffrances dans une chambre d’hôtel miteuse parce que vous aurez plus de tunes pour payer votre loyer…

Après avoir répondu favorablement à Savee, je sors de chez moi, claquant la porte derrière moi. Je manque de me gameller dans les escaliers et arrive vivante jusqu’à ma vieille voiture. Il a arrêté de pleuvoir et j’ai presque envie de faire la danse de la joie… mais j’me retiens parce que mon sexy voisin peut débarquer à tout moment et j’ai pas envie de me taper la honte devant lui. Déjà que j’ai aucune chance, alors si en plus j’me ridiculise, autant déclarer forfait directement. Une fois derrière le volant, j’allume la radio et démarre la voiture. « FRIENDSHIP NEVER EEEEENDS ♪ », que je chante alors que la chanson se fait entendre dans l’autoradio, me rappelant de mes jeunes années alors que les Spice girls étaient au top ! Aujourd’hui, on a tendance à se foutre de leurs gueules, mais à l’époque, elles avaient trop la classe ! J’étais trop fan de Geri et de Mel B, d’ailleurs… bon Victoria est grave cool aussi, même si elle tire la tronche toute la sainte journée ! Genre la fille, elle est riche, belle, elle est mariée à David Beckham et se dort la pilule à longueur de temps… ET ELLE TIRE LA GUEULE ? C‘est une vanne ! … Enfin bref, me voilà à conduire dans les rues de la ville, avant de me garer dans bas de l’immeuble où travail Ezekiel. Après de longues minutes à tourner en rond, j’arrive à trouver une place… Enfin, c’est une place pour handicapés, mais j’compte pas y rester longtemps alors j’y dépose ma voiture. Lorsque j’en ressors, un couple de petits vieux me regardent bizarrement… et je décide de les ignorer, trottinant jusqu’à la porte du hall de l’immeuble. Je lance un sourire à la réceptionniste et je monte dans l’ascenseur, partageant la cabine avec un gros gars qui mange des chips. « Tu m‘en files ? ». Il me regarde bizarrement. « Non, c‘est mes chips ! ». Je grimace. « Crevard ! »… J’ai faim putain, j’ai faim ! Les portes de l’ascenseur s’ouvrent et le gros en sort, rapide comme le vent ! Je finis par faire de même, traversant les couloirs pour enfin arriver au bureau de mon ami. C’est pas la première fois que je viens ici… d’ailleurs, je ne sais même pas combien de fois précisément j’ai pu arpenter ces longs couloirs au sol recouvert de cette étrange moquette foncée… Peu importe ! « Saluuuut ! », que je m’écris, super enjouée alors qu’Ezekiel me regarde, semblant étonné par ma venu. « Ça va ? », que je demande aussitôt, m’asseyant sur le bord de son bureau et commençant à tripoter les babioles qui s’y trouvent. C’est plus fort que moi, j’suis obligée de toucher. « C’est midi, t’as ta pause, j’t’emmène manger quelque part ! Alors bouge ton fessier et lève-toi de ta chaise ! ». Et il a pas intérêt à refuser parce que j’ai faim, qu’il faut que je mange et vite ! Et de toute façon, s’il veut pas, j’vais le forcer… et s’il résiste, j’vais lui faire cette superbe prise de judo que j’ai vu dans les Tortues Ninja l’autre jour ! Bon… je ne l’ai jamais mise en pratique, mais ça sera l’occasion de le faire !