« L’Irish pub, t’es sérieuse là ? ». Comprenez-moi : je suis vêtue d’une simple robe assez courte, noire, avec de hauts talons de la même couleur, un maquillage appuyé sur les yeux et… une allure assez festive, je dois dire… Et là, je découvre que ma meilleure amie a décidé de nous emmener boire un coup à l’Irish pub du coin… Autant vous dire que ce bar est constitué de 95% de mecs… et que j’risque de me faire allumer toute la soirée ! Bon, y a pas trop à se plaindre, mais généralement, les mecs qui fréquentent ce bar sont des gros beaufs dégueulasses aux techniques de drague douteuses. Super soirée en perspective ! « C’est MON enterrement de vie de jeune fille, c’est MOI qui décide ! », qu’elle me balance, me poussant de force dans l’enceinte du bar. Je grimace, sachant pertinemment que ma meilleure amie use de ses fiançailles à toutes les sauces. C’est la cinquième fois qu’on sort faire son enterrement de vie de jeune fille… mais d’après elle, si ce titre lui permet de se faire payer des verres gratuits et bien il n’y a aucun mal à en user dès qu’elle le peut. C’est une façon de voir les choses… Quoiqu’il en soit, une fois entrées dans le bar, Amy me tire jusqu’au comptoir, lançant un sourire enjôleur au serveur face à nous. Je la regarde faire, à moitié admirative et blasée. Elle sait vraiment y faire avec la gente masculine et son décolleté plongeant lui sert de gros arguments… Mais elle devrait faire attention ! C’est vrai quoi, elle a enfin trouvé l’amour et je doute que son prince charmant aime particulièrement cette manière qu’elle a d’user de ses charmes à tout va. Enfin bon, c’est Amy et elle a toujours été comme ça ! J’me souviens que lorsqu’on avait seize ans et qu’on avait pas le droit d’acheter de l’alcool, elle parvenait toujours à faire craquer les serveurs et on parvenait, tant bien que mal, à boire un peu. Moi, j’ai toujours eu plus de mal. Premièrement, parce que la drague, c’est franchement pas mon truc. Non, mais sérieusement, j’ai déjà du mal à faire deux pas l’un devant l’autre sans m’étaler par terre, alors imaginez-moi en train d’allumer un mec ! … Ouais, vaut mieux pas imaginer ça ! Deuxièmement, mon physique est beaucoup moins avantageux que celui de ma meilleure amie. Attention, je ne me plains pas, j’suis plutôt mignonne, je le sais, mais je n’ai jamais attiré les regards. J’me fonds dans la masse et ça me va parfaitement… Pourtant, ce soir, j’ai l’impression d’être beaucoup trop exposée. Amy m’a forcé à enfiler sa robe noire que je trouve beaucoup trop moulante et courte… mais comme elle aime le répéter : c’est SA soirée, donc SES règles. Moi, j’m’en fou, tant que je bois un coup et m’amuse !  

Cinq minutes plus tard, on est toutes les deux assises à une table, une pinte de bière chacune devant nous. J’y trempe mes lèvres, me délectant de ma boisson alors que des hurlements se font entendre. Un match de rugby - ou un autre sport du style - est rediffusé sur les grands écrans de l’établissement. Apparemment, c’est une tradition de venir ici pour regarder du sport… et le match a l’air plutôt important puisque les gars semblent à fond devant le match… Ce qui énerve un peu Amy qui aimerait bien être le centre de l’attention. « C’est fou ! Même une paire de beaux nichons n’arrivent pas à faire décrocher les mecs de la télévision ! ». Je ris, alors qu’Amy tire à moitié la tronche. Elle abaisse un peu le haut de sa robe, mettant encore plus en évidence sa généreuse poitrine et je lève les yeux au ciel. Cette fille est folle. Une vraie tarée. Je bois une nouvelle gorgée de ma boisson, mon verre se vidant peu à peu… « Faut se mettre à leur place… Par exemple, quand t’es en plein shopping, est-ce que de belles tablettes de chocolat pourraient te faire décrocher ? ». Et il faut dire qu’Amy et le shopping, c’est une grande histoire d’amour ! Et c’est peu dire ! Ma meilleure amie a toujours aimé la mode. Déjà gamine, elle passait des heures à bosser à côté des cours pour pouvoir avoir un peu d’argent pour s’acheter des fringues incroyables. On a toujours été très différentes sur ces points… mais j’crois que c’est pour ça que notre amitié est si forte ! "Probablement pas", me répond-elle un sourire malicieux peint sur ses lèvres colorées.

Nos premiers verres se vident, rapidement suivis par une deuxième tournée… et troisième. Finalement, on s’amuse bien. Quelques mecs nous ont rejoint, mais ça reste correct… Pas de gros lourdauds en vue, la soirée est franchement amusante… Enfin, jusqu’au moment où le portable d’Amy vibre et que son regard s’assombrit à la vue du message qui s’affiche sur son écran. « C’est Peter, », qu’elle commence, mentionnant son fiancé. « J’dois rentrer ! ». Elle attrape son sac, prête à se lever de la banquette, mais je la stoppe rapidement, inquiète. « Attends, c’est grave ? Qu’est-ce qu’il se passe ? ». Son visage se décrispe un peu et elle me lance un petit sourire rassurant. « Non, non, mais je dois rentrer… ça te dérange si je te laisse ? ». Je réponds avant même d’y penser. « Non, bien sûr que non. Rentre bien ! ». Elle m’embrasse chaleureusement et deux secondes plus tard, elle n’est plus là. J’suis célibataire et désespérée, mais je ne compte tout de même pas rester seule dans un bar rempli en majorité d’hommes. Du coup, j’attrape à mon tour mon sac à main et me lève pour sortir de l’établissement. Une fois dehors, une petite brise me fait frissonner. La lune est haute dans le ciel. Il ne fait pas froid, mais pas non plus très chaud. Une température normale pour un moi de mai à Canonsburg ! La rue est beaucoup plus calme, ce qui contraste avec l’ambiance festive dans le bar et je sors mon téléphone pour regarder l’heure. « Eh, t’es plutôt mignonne toi ! ». Je relève brusquement le regard et tombe sur un homme, assez imposant. Il me fait un peu peur, je dois bien l’avouer… « Merci, mais… », je fais un pas en arrière et gémis lorsque mon corps percute quelque chose… ou plutôt quelqu’un. « PUTAIN !!! ». Je me retourne vivement et mon regard tombe sur un deuxième homme, le visage rouge de colère. Apparemment, je viens de lui renverser sa bière dessus, en lui rentrant dedans. Et merde. « Je… désolée… j’suis désolée… attendez, j’dois euh… ». Je suis nerveuse. Il fait noir, seuls quelques lampadaires éclairent la rue presque déserte et je suis entourée de deux hommes un peu saoules et assez apeurant. « J’dois avoir des mouchoirs dans… euh… dans mon sac… », que j’arrive à dire, fouillant dans mon sac à main. Mais lorsque je sens une pression sur mon avant bras, je me stoppe immédiatement. « T’embête pas avec ça ma jolie, on va bien trouver un arrangement ! ». Et merde.

Juliett ∞ Neal

Aujourd'hui avait été une journée comme une autre pour Neal, une journée ordinaire, presque ennuyante. Une journée de plus où il regrettait les steppes mongoliennes, la grande muraille de Chine, les fjords scandinaves et la douceur des îles du pacifique. Il ne comptait plus le nombre de fois où nostalgique, il revisionnait d'anciens reportages photo, se demandant ce qu'il était en train de faire à Cannonsburg, alors qu'il pourrait être en Islande, au pieds de volcans. Sa cousine Cat était la première raison, il était la seule famille proche qu'il lui restait après le décès de ses parents, à quelques années d'écart, et le peu de différence d'âge qu'il y avait entre eux et leur statut d'enfant avait fait en sorte qu'ils se considèrent comme des frères et sœurs. Il y avait le livre aussi, sa biographie slash récit d'aventures qu'il était en train d'écrire pour le compte d'une maison d'édition. Il savait au fond de lui que sa ville natale était le lieux idéal pour écrire, puisque c'était ici que tout avait commencé. Même s'il se sentait trop souvent à l'étroit entre les murs de son appartement, il y étouffait presque parfois. Il avait besoin de nature, mais surtout d'espace. Il avait rapidement pris l'habitude de transporter son ordinateur portable, merci à celui qui en avait eu l'idée, aux quatre coins de la ville pour changer d'air. Il était devenu un habitué de pratiquement tous les cafés et de pratiquement tous les restaurants de la ville. Pour certains, il était l'enfant prodige de retour au pays, et pour d'autres, il n'était qu'un original parmi d'autres. Mais il n'en avait que faire de ce que les gens pensaient de lui, tant que lui-même était heureux.

Ce soir, il avait prévu de passer la soirée à l'Irish Pub, il allait rejoindre des amis pour boire des bières et regarder le matche. Comme tout homme qui se respecte, il appréciait les matches sportif, mais avait une préférence pour le rugby à cause du mois qu'il avait passé à sillonner le pays de Galles. Il avait horreur de ne pas arriver à l'horaire fixé et malheureusement, ce fut le cas ce soir. Juste avant de partir, il avait reçu un coup de fil de son éditrice, qui lui demandait où en était le livre. Il avait accepté de se lancer dans cette "aventure" parce qu'ils lui laissait le temps de rassembler ses souvenirs, et que le fait qu'il l'écrive seul leur évitait d'engager un autre autour en plus. Mais ces derniers temps, ils lui demandaient de plus en plus souvent où en était l'avancée de l'autobiographie, combien de pages il avait écrites depuis la dernière fois. Et cette manière de faire l’énervait au plus haut point. Lui qui était en général d'humeur égale n'avait pas hésité à hausser le ton et à lever la voix pour bien se faire comprendre : il avancerait au rythme qu'il le souhaitait et leur enverra chaque chapitre quand il le jugerait suffisamment bon pour le faire lire. Point signal. Le message était passé, la jeune éditrice à la voix bien moins sûre qu'au début lui souhaita une bonne soirée. Il jeta un coup d’œil à l'horloge de l'entrée, une demie-heure de retour. Il ne put s'empêcher de soupirer.

Enfin, il arriva en vue de l'Irish Pub. Des cris de joie et de rage s'en élevaient déjà, le match avait bien commencé. Tant pis, il le prendrait en cours de route, le temps de se commander une pinte. Quelques personnes étaient debout devant l'entrée. De loin, il reconnut sa voisine, celle qu'il trouvait mignonne. Et le moins qu'on puisse dire, c'était que sa tenue n'était pas vraiment adaptée au lieu. Une robe noire moulante qui ne cachait rien de ses formes, très jolies au passage, et des hauts talons dans lesquels elle ne semblait pas vraiment à l'aise. Un jean et un simple tee-shirt auraient mieux convenus, mais après tout, qu'est-ce que ça pouvait lui faire. Elle était majeure, et libre de s’habiller comme elle le souhaitait. En se rapprochant, il vit qu'elle était entourée de deux hommes. S'il ne voyait pas l'expression de celui qui lui tournait le dos, il pouvait lire l'envie sur le visage de l'autre. N'importe qui aurait envie de l'attirer dans un coin avec cette tenue, mais qu'est-ce qu'elle avait dans la tête ? Il arriva à sa hauteur. Elle n'avait pas vraiment l'air à l'aise, limite apeurée. L'une des deux gaillards la tenait pas le bras, l'autre n'avait pas l'air enchanté. Un regard suffit à lui faire tout comprendre. Tous deux étaient saouls, et au vu de la tâche humide sur le tee-shirt du deuxième, elle avait du faire preuve d'une maladresse qui ne passait plus vu l'heure. Il ne pouvait la laisser dans cette situation. "Bonsoir." Les deux hommes le toisèrent de haut en bas. Vraiment pas commodes. "Je vois que tu es arrivée en avance chérie, mais tu aurais du m'attendre à l'intérieur, il fait froid dehors ..." Il la prit par la main et l’entraîna avec elle. "Vous avez l'air d'être des supporters irlandais non ? Moi aussi, ça tombe bien. Allez, je vous paye un coup. Faut s'entraider entre supporter." Il sortir un billet de sa poche et le mit dans la main de celui qu'il jugeait le plus éméché. Et se dépêcha de rentrer dans le bar avant que les deux lourdauds réagissent, la voisine à sa suite. Une fois à l'abri, il s'arrêta de marcher et se retourna vers elle. "Je ne devrais pas vous juger, mais ce n'est pas vraiment une tenue appropriée pour ce genre d'endroit ... D'autres risquent de vous remarquer et agiront de même ... "

"Bonsoir.". Hein ? Quoi ? Où ? Qu'est-ce qu'il se passe ?... Étonnée, je me retourne et mon regard se pose instantanément sur... mon voisin. Mon sexy voisin – au prénom encore inconnu -, là, à quelques mètres de moi. Il s'approche rapidement et je reste stoïque, incapable de dire ou faire quoique ce soit. Je dois avoir l'air bien maligne là, la bouche entre-ouverte comme un poisson hors de l'eau. Mais faut me comprendre aussi ! Ce mec habite dans l'appartement en face du mien depuis quelques mois et... il est vraiment trop beau. Ouais je sais, on dirait une pauvre petite adolescente de quatorze ans incapable d’aligner trois mots correctement devant son énorme coup de cœur... mais au fond, c'est un peu ce que je ressens. Pourtant, ça n'a jamais trop été mon truc de baver devant un mec... mais c'est à croire que mon voisin est bien différent de tous les autres hommes que j'ai pu connaître dans ma vie. Pourtant, je ne lui ai jamais vraiment parlé, ni même entamé une réelle conversation avec lui. Mais c'est à croire que parfois, les mots n'ont aucune importance. Les deux hommes à mes côtés semblent aussi surpris que moi et rapidement, mon voisin reprend la parole. "Je vois que tu es arrivée en avance chérie, mais tu aurais du m'attendre à l'intérieur, il fait froid dehors …". Une fois de plus, je suis vraiment étonnée, si bien que je peine à trouver quoi répondre. Au lieu de ça, je reste muette, observant la scène comme si j'étais au cinéma. Parce que c'est bien ce qui est en train de se passer, non ? On dirait une vraie scène digne d'un film à l'eau de rose ! Manque plus que les popcorns et ça serait parfait ! D'ailleurs, j'ai presque envie de me pincer, pour savoir si cette scène est le fruit d'un rêve, ou non... mais lorsque sa main trouve la mienne et qu'un long frisson parcours mon corps, des pieds jusqu'à la pointe de mes cheveux blonds, je comprends que non, je ne rêve pas. Cette scène est belle et bien réelle. « Euh... oui... je... euh. ». Okay, intervention super utile ! C'est tout moi ça ! Les deux mecs balaient leurs regards entre mon voisin et moi, à la recherche d'une réponse... mais je présume que le fait qu'un homme m'accompagne les intimide un peu, parce que rapidement, ils me paraissent beaucoup moins hostiles ! D'ailleurs, celui avec la bière renversée sur son t-shirt a l'air bien débile, mais c'est une autre histoire et je me garde bien de rire de lui. De toute façon, l'alcool ne rend jamais bien intelligent et je remercie silencieusement le ciel de ne pas être complètement saoule ! Là ça aurait été la honte internationale ! Pour une fois, je m'évite une situation franchement embarrassante... ce qui est rare, alors je ne vais pas me plaindre, bien au contraire !

Mes doigts se resserrent autours de ceux de mon voisin, je ne m'en rends même pas compte, dans un premier temps. Et pourtant, j'adore ça. Ma main contre la sienne. Le ventre qui se tord. Les frissons dans le dos. Ça peut paraître beaucoup pour une simple poignée de mains échangée, mais je ne contrôle pas ce genre de choses. Qui le peut, de toute façon ? "Vous avez l'air d'être des supporters irlandais non ? Moi aussi, ça tombe bien. Allez, je vous paye un coup. Faut s'entraider entre supporter.". Je redescends un peu sur Terre, à l'entente de la voix grave et mélodieuse de mon voisin. Observant la scène légèrement inquiète. Ces mecs sont à moitié finis, qui sait de quoi ils sont capables ! Et encore, j'ai une chance incroyable d'avoir été rejointe par mon voisin, parce que c'est pas mes quelques centimètres qui vont leur faire peur ! Mon voisin – au prénom toujours inconnu au bataillon – donne alors un billet à l'un des mecs et rapidement, me tire vers l'entrée de l'Irish Pub. Bon, bah j'crois que je vais finir ma soirée là-bas moi ! Ça peut être l'occasion de connaître les règles du rugby ! Parce que jusqu'ici, pour moi ce sport – comme à peu près une grande majorité de sports qui passent à la télévision – se résume à quelques mecs qui courent après un ballon. Et le pire, c'est que c'est violent ! Mon oncle Joffrey adore le rugby et quand j'étais gamine, pendant les fêtes de famille, il était souvent assis dans son canapé, pour regarder le sport à la télévision. Je me souviens d'un match où un joueur avait fini le nez en sang. C'était pas franchement très beau à voir et depuis ce jour, j'évite de rejoindre mon oncle quand il regarde le rugby. Mais j'crois que ce soir va être l'exception à la règle. Enfin, je n'en sais rien, je suis encore un peu étourdie par ce qu'il vient de se passer et rapidement, mon voisin m'entraîne dans un coin du bar, à l’abri des regards. "Je ne devrais pas vous juger, mais ce n'est pas vraiment une tenue appropriée pour ce genre d'endroit ... D'autres risquent de vous remarquer et agiront de même ... ". Mon regard se baisse immédiatement afin d'observer ma tenue... Ouais... il n'a pas tord. Il a même raison ! Mais bon, ce n'est pas comme si c'était ma faute, de toute façon ! « Je... euh... ». Bon, c'est mal parti pour sortir une phrase cohérente et ne pas passer pour une grosse attardée... Concentration ! « En fait, c'est pas vraiment l'endroit où je pensais passer la soirée ! », que je commence, mon regard posé sur le visage presque parfait de mon voisin. Je hausse légèrement les épaules et continue, un peu gênée. « J'me suis laissée traîner par une grosse lâcheuse de première, qui m'a obligé à m'habiller comme ça... pour finir dans un bar où est rediffusé un match de rubgy... sport auquel je ne comprends absolument rien ! J'suis innocente, d'accord ? Et j'suis seule en plus !!! »... Okay... on passera un autre jour pour avoir la classe, hein ! Mais c'est ça, quand je suis nerveuse je parle, je parle et je m'arrête pas ! Je rougis légèrement à cette pensée, passant une main timide dans mes cheveux. « Désolée... je parle trop... », je baisse le regard, honteuse. De toute façon, j'enchaîne les gaffes devant ce mec, plus que devant n'importe qui ! Un jour, je me suis rétamée dans les escaliers devant lui. Le lendemain, j'ai failli écraser une mémé sur le parking alors que mon regard était posé sur sa silhouette, quelques mètres plus loin. Un jour aussi, j'ai coincée ma veste dans l'ascenseur et la veille, il m'a vu sortir mes poubelles en pyjama (ce qui n'est franchement pas flatteur). Donc, au point où j'en suis, je ne devrais pas être étonnée de me taper encore plus la honte devant lui. « Enfin bref, merci pour... euh... pour tout à l'heure... avec ces mecs... ». C'est vrai, ça me paraît primordial de le remercier ! Qui sait ce qu'il se serait passé ? Bon, peut-être pas grand chose, parce que je sais courir vite et que j'ai un déodorant dans mon sac à main (qui peut également servir de bombe lacrymogène), mais on ne sait jamais. L'important est que je sois saine et sauve et ça, c'est grâce à mon sauveur voisin. « D'ailleurs, laissez-moi vous payer un verre... pour vous remercier... et également vous rembourser ! ». J'ai presque envie de me frapper la tête contre le mur derrière moi, histoire d'oublier le fait que je bute à pratiquement chaque mot qui sort de ma bouche. « A moins que... vous ne soyez attendu par des amis ! ». C'est vrai quoi, on ne se pointe pas dans ce genre d'endroit en solitaire ! Et puis ça se trouve, il est venu avec sa copine... La belle plante aux jambes interminables et au corps digne d'un mannequin de lingeries fines, que je vois toujours sortir de son appartement !

Juliett ∞ Neal

Il avait senti une légère hésitation lorsqu’il lui avait pris la main, réaction plus que normale vu qu’ils étaient des inconnus, des voisins qui ne faisaient que se croiser dans les couloirs sans même savoir leur prénoms. Mais il espérait qu’elle ne dirait rien, qu’elle jouerait le jeu et qu’elle se laisserait faire. Jouer au petit couple était la meilleure idée qui lui soit venue à l’esprit et il espérait qu’elle allait comprendre sa petite comédie. Heureusement, elle le laisse parler, ou plutôt bégaye quelques mots comme à chaque fois qu’il la croise, et le suit plutôt docilement à l’intérieur du pub. Une bonne chose de faite et deux ennuis en main. Ce n’est qu’une fois qu’il jugea qu’ils étaient en « sécurité » ou plutôt hors d’atteinte des deux loubards qu’il lâcha la voisine de sa blondinette de voisine. Il jeta à nouveau un coup d’œil à sa tenue. Si elle cherchait un amant pour ce soir, sa tenue était certes appropriée mais pas vraiment l’endroit. Il ne savait pas si elle ne s’attendait pas à croiser ce genre de population, des hommes saouls qui hurlaient après des joueurs de rugby, le genre de fille un peu naïve, ou si elle voulait tester ses charmes, voir si elle était capable de détourner le regard d’un ou de plusieurs supporter de l’écran géant accroché au-dessus du comptoir. Il ne put s’empêcher de la sermonner, un peu comme il aurait fait avec Cat si il l’avait retrouvée dans la même situation. Il vit sa tête se baisser, comme pour mieux se rendre compte de sa robe un peu trop courte et un peu trop moulante, et elle sembla être encore moins à l’aise dans cet endroit. Après quelques hésitations, quelques balbutiements, elle fit entendre sa voix. « En fait, c'est pas vraiment l'endroit où je pensais passer la soirée ! » Cela expliquait la robe dans un tel endroit. Elle releva les yeux, mais haussa les épaules. Il ne put s’empêcher de lever un sourcil, un peu sceptique. « J'me suis laissée traîner par une grosse lâcheuse de première, qui m'a obligé à m'habiller comme ça... pour finir dans un bar où est rediffusé un match de rugby... sport auquel je ne comprends absolument rien ! J'suis innocente, d'accord ? Et j'suis seule en plus ! » Il comprenait un peu mieux la situation à présent. Façon de parler. Il avait du mal à comprendre comme un fille pouvait se laisser habiller dans un style qui n’était pas le sien, se laisser emmener dans un endroit où elle n’était pas vraiment à l’aise, le tout par un soi-disant amie qui s’est enfuie en la laissant seule. Les filles étaient décidemment bien trop compliquées. « Désolée... je parle trop... » Son petit air gêné réussit à faire sourire Neal. « Vous n’avez pas à l’être. C’est d’ailleurs la première fois que je vous entends parler autant à vrai dire. » Petite pique amicale, il aurait été difficile de ne pas la taquiner un peu. Toutes les fois où ils s’étaient croisés, elle piquait un fard parce qu’elle faisait preuve de maladresse juste à ce moment précis, ou n’arrivait pas à aligner trois mots. Il se demandait même si il en était la cause. Cat avait une réponse évident à cette interrogation, mais il la ballonnait à chaque fois qu’elle évoquait le sujet. Elle voulait le caser avec presque toutes les filles qu’il croisait de façon plus ou moins régulièrement. Cette voisine y compris. Si elle apprenait ses « exploits » de ce soir, elle risquait d’en reparler encore et encore pendant un sacré moment. « Enfin bref, merci pour... euh... pour tout à l'heure... avec ces mecs ...» Elle baissait à nouveau les yeux. Elle semblait toute penaude. Elle ne re choisirait pas cette tenue de sitôt, c’était certain. « Oh de rien. Je sentais bien qu’il vous fallait un chevalier servant. Ravi d’avoir pu aider. » « D'ailleurs, laissez-moi vous payer un verre... pour vous remercier... et également vous rembourser ! » Lui qui pensait qu’elle allait vouloir rentrer chez elle après ses mésaventures. Il se tâtait à lui proposer de la raccompagner d’ailleurs, puisqu’il n’était pas convaincue que les rues étaient bien sûre pour une jeune femme si peu vêtue. Mais comme elle parlait de rester. Le hasard fait parfois rudement bien les choses, il n’y avait encore que quelques jours, il s’était dit qu’il pourrait peut-être l’inviter à aller boire un verre, chez lui ou en ville. Pour faire taire Cat. Pour voir ce que ça faisait de sortir avec une fille à nouveau aussi. Et voilà qu’il se faisait inviter. Il n’allait pas refuser. Même s’il n’était pas dit qu’il la laisserait payer, il était bien trop gentlemen pour ça. L’égalité des sexes oui, mais pas au premier rendez-vous. Il sourit, s’apprêtant à accepter. « A moins que... vous ne soyez attendu par des amis ! » Il leva un sourcil. En effet, il était venu jusqu’ici pour rejoindre des amis d’enfance, il l’avait complétement oublié. Il lorgna sur la pendule au-dessus de la porte d’entrée. Il ne leur manquerait pas forcément. Il leur enverrait un petit mot courant de soirée pour leur expliquer ses aventures nocturnes. A moins qu’ils ne l’aperçoivent d’eux-mêmes et comprennent la situation en le voyant assis avec une fille. Dans les deux cas, il savait qu’ils ne lui en voudront pas. Il choisit d’être franc. « Je devais en effet rejoindre des amis, mais je suis bien trop en retard pour qu’ils espèrent encore me voir ce soir. Vous me payez un verre, je m’occuperais du suivant. » A moins qu’elle ait posé cette question d’allure innocente pour se renseigner sur lui, il se rappelait que Cat lui avait confié qu’elle était sûre que ses voisines la prenaient pour sa petite amie. Il se posait bien trop de question, et sa cousine lui retournait bien  trop l’esprit. Posant la main dans le bas de son dos, il la guida jusqu’au comptoir, toutes les tables étant prises par des supporter. « Je m’appelle Neal en fait. » Il la laissa s’asseoir en première. « Qu’est-ce que je vous commande ? »

« Vous n’avez pas à l’être. C’est d’ailleurs la première fois que je vous entends parler autant à vrai dire. »... Si Amy était là et bien, elle se foutrait de ma gueule à coup sûr. D'ailleurs, si je n'étais pas moi, j'me serais auto foutue de ma tronche... Malheureusement, c'est bien moi là, qui sens mes joues prendre feu suite à cette réplique. C'est pas bien méchant, j'en ai conscience, mais ce que mon beau voisin me dit est terriblement vrai. Jamais je n'ai réellement réussi à lui parler ou entamer un semblant de conversation avec lui. Pourquoi ? La raison est aussi simple qu'absurde. Il me plait. Peut-être même trop. Et quand un mec me plait autant – ce qui n'arrive pas toutes les semaines, dirons-nous – je panique... Et quand je panique, mon cerveau part en cacahuète et je ne parviens à dire deux mots sans buter. Eileen trouve ça bizarre, dans la mesure où je suis une bavarde de nature. J'aime parler, j'ai toujours aimé parler et probablement serais-je toujours une grosse bavarde ! D'ailleurs, déjà enfant, ma mère ne cessait de répéter que la pire chose qui pourrait m'arriver était de perdre la parole. Mais en même temps, l'homme s'est créé un langage, alors pourquoi ne pas l'utiliser ? J'ai conscience de ne pas dire que des choses très pertinentes, mais c'est plus fort que moi. J'suis un vrai moulin à parole... enfin, quand mon sexy voisin n'est pas dans le coin. Parce que dès qu'il apparaît pouf, j'deviens muette comme une tombe. Ça pourrait être un bon point, mais j'ai plus l'air conne qu'autre chose quand il est là, en fait.
Pour le coup, j'ai l'impression que cette nouvelle situation peut jouer en ma faveur. C'est vrai quoi, d'ordinaire, les seules fois où je croise mon voisin son lorsqu'on se croise dans l'immeuble où nous vivons. Là, le contexte est tout autre et c'est peut-être une bonne chose. Du coup, finissant par avaler sa remarque, je me mets à rire. Parce qu'il n'a pas dit ça méchamment et que parfois, il faut savoir rire de soi. Et croyez-moi, si je n'adopte pas cette philosophie, autant me tirer une balle sur le champ, parce que ma vie entière est semée de trucs dans ce style. Il ne se passe pas une seule journée où je me tape la honte de ma vie et j'avoue que c'est parfois épuisant. J'ai déjà été larguée pour ça, d'ailleurs. Mon copain de l'époque pensait que je faisais exprès de me mettre dans des situations pas possibles... s'il avait su à quel point je le vis mal, il aurait très certainement pensé autrement. Enfin bon, c'était pas une très grosse perte, ce mec était con comme un balais brosse et je ne sais même pas pourquoi je suis sortie avec lui, en premier lieu. Surement étais-je un peu d'espérée et pensais-je que n'importe quel mec – aussi bête soit-il – était bien mieux que ce que je pouvais être... ?
« Oh de rien. Je sentais bien qu’il vous fallait un chevalier servant. Ravi d’avoir pu aider. ». Je ne peux m'empêcher de pouffer de rire en imaginant ce beau brun, en tenue de chevalier, monté sur un cheval blanc à galoper dans la prairie... Ouais bon, faut que j'arrête de regarder des films d'époque moi ! Les chevaliers, ça n'existe pas et si quelques hommes restent un peu gentleman, cela se fait de plus en plus rare. La plupart des mecs ne vous tiennent même plus la porte du restaurant, il vous font l'amour le soir et se barre le matin sans un mot. Voilà la triste réalité de la vie ! Bon, nous les filles on n'est pas mieux. Par exemple, si j'étais née quelques années auparavant, j'aurais fini seule avec mes quarante chats – imaginaires – étant donné que, comme le répète ma mère à longueur de temps, je ne suis pas bonne à mariée. Je ne sais pas cuisiner, le ménage moins je le fais, mieux je me porte, j'ai déjà cramé mes vêtements en faisant du repassage et il y a toujours une chaussette de couleur dans ma machine de blanc. Tous ces trucs là, c'est pas fait pour moi. En fait, en y réfléchissant, j'suis pas douée à grand chose, mais si je ne veux pas exploser le peu de chances que j'ai auprès de mon voisin, vaut mieux taire tous ces petits détails ! Et puis de toute façon, ça m'étonnerait qu'il me demande là, maintenant, tout de suite, de lui préparer un gratin dauphinois ! Donc, j'suis tranquille de ce côté là.
M'empressant de lui proposer de lui payer un verre, je me sens un peu stupide, mais au moins, j'ai joué le tout pour le tout. J'agis enfin, après de longs mois à fantasmer sur lui – j'vous évite les détails un peu glauques -, je me décide enfin à faire un pas vers lui. Ça mérite des applaudissements ça, non ? Bah moi je trouve que oui, donc je m'auto applaudis (dans ma tête, hein ? J'vais pas me mettre à applaudir comme une débile devant lui, j'suis pas totalement idiote non plus!). Bref, gros big up pour moi !!! « Je devais en effet rejoindre des amis, mais je suis bien trop en retard pour qu’ils espèrent encore me voir ce soir. Vous me payez un verre, je m’occuperais du suivant. »... HALLELUYA !!! C'est la joie les amis ! J'ai presque envie de sauter de joie, faire la danse de la pluie autours d'un totem et remercier le Dieu de l'amour de m'offrir cette chance ! Bon, bien évidemment, je n'en fais rien et je me contente de sourire, un peu malgré moi, toute contente de cette réponse affirmative. « Si vous ne m'aviez pas sauvé quelques minutes plus tôt, je pourrais penser que vous voulez me saouler ! ». Geeeeeenre ! Pas b'soin de lui pour finir complètement morte à dormir dans mon vomi ! Mais encore une fois, vaut mieux pas qu'il sache ce genre de truc. C'est parti pour jouer la princesse. Je suis belle, jolie (c'est la même chose, mais on s'en fou), je ne pue pas de la bouche le matin et je chie des paillettes ! Voilà ! Je suis trop fabuleuse !!! Du moins, c'est ce qu'il doit croire... et là, je prie secrètement pour que mes cheveux soient pas trop mal coiffés et surtout, que mon maquillage n'ait pas coulé. J'ai pas vraiment envie de ressembler à un panda et si c'est le cas, croyez-moi que ça va chier chez Sephora !

Sa main dans le creux de mon dos, j'me sens un peu défaillir, mais je fais attention à me diriger fièrement jusqu'au comptoir, ne voulant pas me rétamer comme une merde au milieu du bar. Quelle idée de mettre des talons aussi hauts aussi ?  « Je m’appelle Neal en fait. ». Neal ? Aaaaah voilà que je peux enfin mettre un nom sur ce joli visage. Neal. C'est court. C'est mignon. C'est joli. Ça lui va bien, j'aime bien ! C'est pas comme s'il s'était appelé Edern, Bianca ou Ashley (j'vous aime les mecs!), donc c'est cool ! Souriante, je me glisse sur une des hautes chaises, attendant qu'il en fasse de même. « Et bien, enchantée Neal ! », que je réponds, sourire aux lèvres, parce que c'est pas vraiment notre première rencontre. « Moi, c'est Juliett. ». J'aime bien mon prénom, mais disons qu'on s'est déjà foutu de ma gueule à maintes et maintes reprises ! Roméo et Juliett ont pourri une partie de ma vie, ces deux bâtards ! En plus, ils crèvent comme des merdes à la fin ! Genre, c'est quoi cette histoire trop débile ? Je hais les histoires qui se terminent mal ! J'ai chialé pendant quinze ans devant Titanic, je déteste ce film, ce bateau, cette connasse de Rose qui peut pas bouger un peu ses fesses de la planche et faire de la place à Jack... Je déteste ce film. « Qu’est-ce que je vous commande ? ». Je pince les lèvres, jetant un coup d’œil au tableau derrière le barman où sont inscrits les différentes boissons proposées. La plupart sont des bières... pas très étonnant, mais j'y connais rien ! Moi, tant que c'est alcoolisé et pas trop mauvais, ça me va. « Je sais pas, surprenez-moi ! ». Ouais... bon, c'est risqué, mais honnêtement, j'en ai rien à foutre de ce qu'il y a dans mon verre. Je sais pas si vous vous rendez compte, mais je suis en train de passer ma soirée avec mon voisin. Mon sexy voisin. Neaaaaal ! J'aime ce prénom, ça glisse sur la langue ! « Alors, Neal, », que je commence, me tournant vers lui, sourire aux lèvres. J'aime ce prénom. Je sais que ce je l'ai déjà dit, mais maintenant que je sais comment il s'appelle, c'est un peu la fête du slip dans ma tête. « Parlez-moi un peu de vous... Vous faites quoi dans la vie... tout ça tout ça quoi ! ». Okay, l'award de la question la plus moisie de l'univers me revient, je crois !