Mais qu’est-ce que je faisais là. J’avais tout sauf envie de m’amuser. On était Jeudi soir, j’avais passé une semaine horrible, mais j’étais tout de même venu chez Allison pour m’amuser et rire. C’était normal, en même temps. Depuis la mort de Tyler, le groupe s’éloignait, petit à petit, sans raison. On faisait de notre maximum pour rester soudé mais si j’avais opté pour une soirée solo chez moi, j’aurais été une des raisons de notre éloignement. Et je n’en avais absolument pas envie. Alors j’étais là, une bière à la main, assis sur un fauteuil du salon d’une de mes meilleures amies, à les regarder s’amuser, en ayant simplement envie d’aller me coucher. Fais pas ton vieux, Isaac. Amuse-toi un peu. Je ne faisais rien de spécial. Je les écoutais je riais parfois avec eux. C’était une soirée simple, où l’on buvait et discutait. Rien de grandiose. J’avais surement eu raison de venir, pour voir mes amis et me changer un peu les idées.

Et puis, elle était là. Assise en face de moi, souriante. Elle était si jolie. J’essayais tant bien que mal de ne pas trop la regarder. Je n’avais pas envie qu’elle se doute que je pensais encore à elle. Du moins, plus à elle qu’aux autres filles de la ville. Elle savait très bien que, lorsque je la draguais, je draguais aussi d’autres filles. Tout le monde le savait, et ça allait. Mais si elle venait à savoir qu’elle était plus importante pour moi que les autres filles, je ne me le pardonnerais pas. Elle s’imaginerait surement alors des tas de choses entre nous, et ça, je n’en avais pas envie. Alors je tentais de ne pas trop la regarder, ou de la regarder quand elle regardait ailleurs. Et puis, les rares fois où nos regards se croisaient, je détournais le regard, gêné. Je me sentais étrangement terriblement faible face à cette fille. Et être faible face à une fille, ce n’était pas vraiment quelque chose de normal pour Isaac Redford.

« T’es pas d’accord, Isaac ? » Je relevais la tête, sorti de mes pensées par la voix de mon ami Théodore. Je n’avais pas la moindre idée de ce dont il parlait, mais ils semblaient tous me fixer et attendre ma réponse. « Hein ? répondis-je finalement. Si, bien sûr. » Ma réponse semblait les convaincre, alors je fis un sourire  et essaya tant bien que mal de suivre la suite de la conversation. Rien à faire, c’était comme si ma tête allée exploser. Après quelques minutes à essayer en vain de me concentrer, je me levais et m’approchais de la jolie Allison, assise non loin de moi. « Je vais m’allonger quelques minutes dans ta chambre. J’ai un mal de crâne terrible, mais ça va passer, t’inquiète. » Avant qu’elle n’est le temps de me poser des questions, je quittais la pièce pour aller dans la chambre d’Allison que je connaissais bien. Bien, parce qu’elle était mon amie, et rien de plus … pour une fois. Je m’allongea alors sur le dos, les jambes touchant le sol, et poussa un long soupir. Je n’avais pas mal à la tête à cause de l’alcool – même si j’avais surement trop bu, je l’avoue – mais surtout à cause de toutes les questions que je ne cessais de me poser.

Je fermais les yeux, essayant de faire passer cette foutue migraine tant bien que mal. Et alors qu’enfin j’avais réussi à me concentrer sur le silence de la chambre, j’entendis la porte grincer en s’ouvrant. Je rouvris les yeux, surpris. C’était Leah. Leah, avec ces beaux cheveux ondulés et sa jolie robe. Je fis un petit sourire. Je ne savais pas pourquoi je souriais. L’alcool. Le mal de tête. L’envie de dormir. Un peu tout, peut-être. Ou peut-être juste parce qu’elle était jolie et que sa présence me faisait toujours plaisir.

Elle avança vers le lit, sans rien dire, et je l’entendis poser quelque chose sur la table de nuit. Je tentais tant bien que mal de voir ce que c’était. « Tiens, je t’ai apporté ça. » Je fis un petit sourire, sans rien dire. Un verre d’eau et un cachet d’aspirine. C’était tellement gentil, venant d’elle. Non pas parce qu’elle n’était pas gentille, mais parce que si j’étais elle je ne m’adresserais même pas la parole. Mais, c’était Leah. Et Leah était le genre de fille à être toujours gentille. Elle s’assit sur le lit, près de moi, et je lui souris de nouveau. C’était quoi, cette nouvelle manie de sourire pour un rien ? Je vis son bras bouger et, la seconde d’après, je sentis ses doigts sur mon front. Je fermais les yeux, appréciant la sensation agréable des doigts de Leah sur mon front. « Je pensais pas que ton cerveau aussi vide soit-il pouvait te faire mal à la tête. » Je levais un sourcil, rouvrant les yeux à nouveaux. Je retire ce que j’ai dit. Leah n’était pas tout le temps gentille. En réalité, elle aimait beaucoup me charier. Et j’aimais beaucoup la draguer. C’était comme ça. « Et je ne pensais pas, commençais-je à mi-voix, que ta voix, aussi douce soit-elle, puisse me dire des mots aussi blessant. » Je fis un petit sourire en coin en la regardant. Je ne quittais pas son regard des yeux. J’aimais bien son regard, et ses yeux. Toujours aussi doucement, je repris la parole avant qu’elle n’est le temps de lâcher une nouvelle vacherie à propos de mon cerveau. « Je vais survivre, si jamais c’est ça qui t’inquiète. Tu peux retourner t’amuser avec les autres. »

Une fois mes yeux rouvert, je ne pouvais m’empêcher de regarder Leah. Même si la chambre était plutôt sombre, je la trouvais magnifique. « Tais-toi idiot, dit-elle en tapant sur mon épaule. Fais-moi une place. » Alors, je fis sagement ce qu’elle m’avait demandé de faire. Je me décalai doucement afin de lui laisser une place à côté de moi, et elle s’y allongea, tournée vers moi. Je fis un petit sourire. A mon tour je décidai de me tourner sur mon côté droit, et tous les deux nous nous retrouvions face à face. Je la regardais, un sourire aux lèvres, sans rien dire. J’avais surement l’air ridicule au possible. Sans que je ne réfléchisse vraiment, ma main vint se poser sur son bras pour la caresser doucement, en silence.

« Comment tu vas ? » murmurais-je finalement. Ce n’était pas un ‘ça va ?’ ‘oui et toi ?’ comme on, les jeunes, à l’habitude de le faire. Je voulais vraiment savoir comment elle allait. Je m’inquiétais vraiment pour elle. Depuis la mort de Tyler, elle se sentait terriblement mal, ce qui était compréhensible. Il était notre meilleur ami, à tous les cinq, mais aussi son ex-petit-ami. Ce qui, je l’avoue, avait eu le don de me rendre très jaloux, bien que Leah et moi à l’époque ne sortions pas ensemble. Tout comme aujourd’hui, d’ailleurs. Nous ne sortions pas ensemble. Nous ne sortirions surement jamais ensemble. C’était la seule et unique fille à qui j’étais réellement attaché en ville, et aussi celle qui n’avait aucune envie de sortir avec moi. Comment est-ce qu’il disait, l’autre Roméo, déjà ? Ah, oui. Ô, je suis le jouet de la fortune. Je l’étais moi aussi.

Je continuais de la regarder et, petit à petit, cela m’apaisait. Rester près d’elle, sans trop parler, sans réfléchir. Pendant un instant je me mis à penser au fait que nous n’avions pas été si proches depuis la fameuse nuit où je l’avais embrassé. Puis, pendant un autre court instant, je me mis à me supplier de ne pas faire une autre connerie du genre, pour ne pas tout ruiner une nouvelle fois.